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Le WeToo Festival est né il y a 5 ans d’un collectif de femmes artistes
fatiguées de ne jouer que les 8 mars et 25 novembre,
fatiguées d’entendre « désolé les filles, j’ai déjà mon spectacle de femmes pour la saison »,
fatiguées de se cogner à un plafond de verre qui empêche d’obtenir des subventions décentes ou des postes à responsabilité.
Il y a 5 ans on a voulu créer le festival dans lequel on rêverait d’être accueillies. On a mis (et on met toujours) notre temps, notre énergie, notre ambition à créer cette utopie. On ne va pas vous mentir, on n’y est pas encore. Le WeToo Festival n’est pas parfait mais franchement quand on voit le chemin parcouru on est quand même un peu fières.
Le WeToo Festival est né d’une alliance : femmes – artistes – féministes. C’est cela notre point de ralliement. Si la défense et la mise en valeur des femmes – artistes – féministes est un axe fort de notre festival, par une programmation quasi 100% féminine, et par la mise en place d’une dramaturgie féministe sur l’ensemble de nos propositions, on a su regarder au-delà de ce point de ralliement.
Aujourd’hui, dans l’équipe de direction, aucune de nous n’est queer, pourtant il est évident depuis le début que nous nous positionnons également sur la défense des droits LGBTQIA+ et que les artistes de cette communauté ont toute leur place au WeToo.
Nous sommes toutes valides et pourtant nous portons une attention à ce que notre festival soit accessible à toustes.
Nous ne sommes pas toutes racisées et pourtant nous sommes toutes engagées dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie.
Nous n’avons pas toutes la même origine sociale et pourtant nous luttons toutes contre les violences de classe.
Etc…
Etc…
Nous ne hiérarchisons pas nos luttes et nous n’avons pas besoin de vivre une oppression pour la percevoir et la combattre.
Et vous savez pourquoi ? Parce que nous travaillons sans relâche et nous remettons en question nos pratiques et nos modes de vie. Parce que nous sommes des êtres doués d’empathie… Nous avons la capacité de nous insurger contre une discrimination que nous ne vivons pas. Il ne s’agit pas de se mettre à la place de, ou de ressentir ce que l’autre vit mais de COMPRENDRE ce système oppressif et les violences structurelles qui en sont le socle et l’origine.
Alors bien sûr, il est plus facile de conscientiser une oppression quand on est nous-même victime d’une discrimination même si celle-ci est différente.
Quand on ne subit aucune domination, il faut se déplacer beaucoup pour en prendre conscience.
Nous le savons, ça demande un effort.
Mais cet effort de conscientisation est nécessaire. Il est même vital.
Nous sommes WOKES – éveillées. Notre regard voit les discriminations parce que nous avons décidé de retirer nos œillères confortables. Parce que le féminisme nous a appris la lucidité. Appréhender le réel dans tout son volume. Oui, nous voyons TOUTES les discriminations. Pas juste celles qui nous concernent. Toutes les violences.
Nous ne dormons plus tranquillement. C’est terminé.
Mais à force de ne pas dormir, devinez quoi ? On s’épuise…
Nous avons besoin de relais.
C’est bientôt l’été et on rêve de partir dans une grande colo féministe avec toutes nos sistas, boire des GinTo au bord de la piscine en lisant le prochain roman de Chimamanda Ngozi Adichie. Non non, on ne ferait pas des réunions interminables pour définir la prochaine stratégie pour éliminer les violeurs des élections législatives, juste on boirait des GinTo et on prendrait soin de nous. Et ce serait bien, ce serait reposant.
Parce que pendant ce repos bien mérité, la révolution serait en marche.
Nos alliés seraient montés au front.
Ils feraient des ateliers « Je suis un homme cis et je réfléchis »,
des chercheurs (les chercheuses seraient à la colo avec nous) mettraient en place la nouvelle pilule contraceptive masculine,
Des économistes trouveraient le moyen d’aligner les salaires des femmes, trans, racisées, handi sur ceux des hommes cis blancs valides,
ils mettraient en place un grand plan de lutte contre les stéréotypes et les injonctions de genre dès le plus jeune âge,
et surtout ils trouveraient une solution à ce grand problème millénaire : comment faire pour que les hommes cessent de violer, agresser, harceler, tuer.
C’est quand même fou que ce soit – dans la GRANDE majorité des cas – les hommes qui violent femmes et enfants et que ce soit à nous de trouver la solution à LEUR problème.
Alors messieurs, hommes cis que vous êtes, nous savons que si vous lisez ces lignes c’est probablement parce que vous pensez que notre combat est juste, que vous avez bien compris que nous œuvrons pour un monde meilleur pour toutes et tous, que vous aussi vous voulez offrir aux générations futures un avenir sans oppression, nous vous le demandons solennellement, s’il vous plait, devenez des ALLIÉS ACTIFS.
N’attendez pas de nous des feuilles de route pour vous guider dans le fait de ne pas nous violenter. Les outils existent, et sinon, vous savez quoi ? Créez-les !
Il vous faut rejoindre le mouvement car de fait, nous, nous avançons et pour l’instant, nous avançons sans vous. A un moment, nous serons si loin devant que nous ne serons plus que des petits points à l’horizon et vous, vous serez restés seuls, sur votre caillou, à contempler les petits points disparaître, dans le silence et le vide.
Cette révolution vous concerne.
Si nous voulons rebattre les cartes d’une société patriarcale, classiste, validiste, raciste, antisémite, islamophobe, grossophobe, nous voulons le faire avec toutes les forces en présence.
Bien sûr, il y aura encore des moments de non-mixité, des safe places, il vous faudra parfois vous mettre en retrait, renoncer à certains privilèges. Encore une fois, on ne dit pas que cela sera facile mais on vous dit que cela est nécessaire si nous ne voulons pas que la rupture soit définitive.
Et vous y gagnerez, promis. Car on ne peut pas fonder sa joie sur les larmes des autres.
Ça sonne comme un ultimatum. Peut-être que c’en est un.
Nous sommes féministes, antiracistes, anticlassistes , antivalidistes, écologistes, contre les LGBTQIA+phobies, contre l’antisémistisme, contre l’islamophobie.
Et nous sommes en colère.
Additionnons nos colères pour créer une grande alliance
Une alliance qui ne laissera pas le pouvoir à l’extrême droite
Une alliance qui est un espoir d’union joyeuse, et le seul avenir possible.
Ce n’est pas naïf, c’est un projet politique.